À l’occasion du 75e anniversaire de la VICTOIRE. Gloire éternelle aux HEROS!

ARMINFOCENTER: Histoire de Héros ordinaires de la Grande Victoire

 A l’occasion du 75e anniversaire de la commémoration de la VICTOIRE remportée par notre peuple pendant la Seconde Guerre Mondiale, nous avons souhaité faire le récit de la vie et du parcours de combattants  de nos compatriotes, les époux Nicolas Bagratovitch Sarkissyan – combattant éclaireur – et Anne Aleksandrovna Oghanessyan – membre actif des  forces spéciales du rail. Nous ne pourrons malheureusement pas fêter leur jubilé : cela fait quelques années qu’ils ne sont plus.

Ils ont, à l’instar de milliers de citoyens de notre pays pluriethnique, apporté une contribution inestimable à cette Immense Victoire, par leurs faits d’armes qui ont permis à nos jeunes générations de vivre dans une Russie libérée.

Ceci est le récit de la vie de gens simples sur les épaules desquels  s’est forgée la Grande Victoire, s’est relevée de ses ruines notre Patrie, des gens qu’on peut qualifier avec fierté de héros de la Grande Guerre Patriotique.

Sarkissyan, Nicolas Bagratovitch, est né le 5 décembre 1920 en République socialiste soviétique d’Arménie dans la province de Lori, à Sanaïn, dans une famille d’employés du rail. Son père, Bagrat Grigorievitch, était l’un des responsables des chemins de fer du Caucase et d’Arménie, avant et après la révolution. Avant la révolution, en sa qualité d’ingénieur, il dirige les travaux de construction de la voie ferrée Erévan-Tabriz (Iran) ainsi que les travaux du plus haut pont ferroviaire de la Russie Impériale, le « Zamarlou ». Après la révolution il est responsable des dépôts ferroviaires les plus importants d’Arménie basés à Léninakan – Gümri – puis de la base de Sanaïn.

Tous ses fils ont continué dans le chemin de fer. Très tôt orphelin de mère, Nicolas Bagratovitch part pour Tbilissi où il intègre l’Ecole spéciale des chemins de fer et termine brillamment ses études à la veille de la guerre. Six mois avant le début de la guerre, il est appelé pour le service militaire dans l’Armée Rouge.

Pendant cette  Guerre Patriotique, il est affecté à la 20e Brigade motorisée de la 5e Armée. Par la suite, il sera transféré dans le 30e Régiment des fusilliers voltigeurs. En septembre 1941, pendant les combats sanglants du front d’Ukraine, il est blessé pour la première fois mais continue de guerroyer. Plus tard, lorsqu’il parlait de cette guerre, il affirmait être resté en vie grâce à l’excellente préparation qu’il avait reçue pendant ses six mois de formation.

Après une deuxième blessure en décembre 1943, il  rejoint le 2e Bataillon des fusilliers voltigeurs de la 338e Division de l’Oder de l’Ordre de Bogdan Khmelnitski sous les ordres d’Antonov,  colonel en second de la 117e division des fusiliers que supervisait Volkovitch,  général en chef du 1er Front d’Ukraine. Avec ce régiment, il a participé à la prise de Berlin et à la libération de Prague.

En mars 1945, il est blessé pour la troisième fois mais, comme en 1941, il reste avec ses camarades pour continuer l’assaut contre les forces fascistes.

De par sa forte constitution physique, son degré d’éducation et sa préparation militaire, Nicolas Bagratovitch est affecté dans la compagnie des éclaireurs. Nos vétérans savent parfaitement  ce que signifie servir dans une unité d’éclaireurs. Il fallait traverser  de nombreuses fois les lignes ennemies, capturer des « otages », rapporter des informations précieuses pour l’Etat-major et rentrer vivant . Pour ne pas être découverts, les éclaireurs devaient passer des journées entières dissimulés dans les marécages, dans la neige, ne pas exprimer leurs souffrances et accomplir la tâche qui leur avait été désignée. En tant que bon nageur, il a plus d’une fois, au cours de ses missions spéciales,  dû forcer à la nage des fleuves comme le Don, le Dniepr, l’Oder, la Spree. De nombreux et dangereux combats au corps à corps dans l’arrière front de l’ennemi et sur la zone neutre, les assauts de nuit – tout cela constitue le quotidien d’un éclaireur en première ligne du front.

En raison de ses capacités opérationnelles et de sa manière exemplaire dans l’exécution des opérations militaires, le sergent Nicolas Sarkissyan est nommé commandant-adjoint au chef de peloton de la division de la brigade des éclaireurs.

En feuilletant une nouvelle fois les documents d’archives militaires du Ministère de la Défense, on est convaincu une fois de plus que chaque épisode du chemin de combattant de Nicolas Bagratovitch mérite une analyse précise ainsi que sa mise en valeur.

Le sergent Sarkissyan a reçu plus d’une fois les plus hautes distinctions officielles. Dans une des directives du Commandement Suprême on peut lire : «Attribuer au sergent de la garde, commandant de l’unité des tirailleurs, le commandant-adjoint Sarkissyan Nicolas Bagratovitch l’insigne de la «Gloire» pour conduite courageuse, exploits et exécution exemplaires des missions sur les fronts de lutte contre l’envahisseur allemand… ».

Nicolas Bagratovitch a été gratifié de 23 décorations et médailles militaires avec, en particulier, les décorations très appréciées des soldats, celle de la «Gloire» rang 2 et 3, et des médailles pour le «Courage», «Services militaires rendus », la décoration de la Guerre Patriotique, les médailles «Pour la prise de Berlin», Pour la libération de Prague»,  «Pour la Libération de Varsovie », «La Défense du Caucase» et de nombreuses autres.

Voici quelques extraits des rapports de ses commandants relatifs à ses exploits :

  • «Le 17 avril 1945, lors des combats contre l’envahisseur allemand, il a fait montre de courage et d’audace : après avoir rampé jusqu’au blockhaus ennemi, il a lancé des grenades, ce qui a permis à l’infanterie d’avancer. Il a personnellement liquidé 9 hitlériens… »
  • «Pendant les combats qui se sont déroulés entre le 16 avril et le 8 mai 1945, il a, sous le feu ennemi, évacué 15 soldats et officiers grièvement blessés avec leurs armes… »
  • «le 16 avril 1945 pendant la percée de la défense ennemie avec son unité de combattants éclaireurs, il a forcé la limite de la voie d’eau de la Neiss et, sous le feu ennemi, a réussi avec son arme personnelle à mettre hors jeu l’assistant de la mitrailleuse ennemie, ce qui a permis l’avancée de l’unité des tirailleurs.. »

«Au moment du refoulement de la contre-attaque ennemie qui essayait d’effectuer une percée en vue de regrouper ses unités dispersées, sur les contreforts de la Spree, il s’est introduit à l’arrière de l’ennemi et par une offensive inattendue a fauché jusqu’à deux unités d’infanterie ennemie, ce qui a permis de réaliser ce que le   commandement avait planifié…

– «Aux avant-postes de Berlin, lors d’une percée nocturne dans une localité boisée, il   a été le premier à débusquer un groupe d’artilleurs allemands en tenue de camouflage  qui empêchait l’avancée de nos tirailleurs. Il les a exterminés… »

– «Le 20 avril 1945 lors d’un raid à Berlin, pendant les combats de rue il a mis hors combat 8 fantassins allemands… »

Il a participé au siège puis à la libération de notre ville – Rostov-sur-le-Don. La division dans laquelle il servait a participé à de nombreuses batailles mémorables telles les opérations de descente Kertch-Eltiguensk, Jitomyr-Berditcheff, Proskourovsko-Tchernovitskaya, Lvovskaya-Sandomirskaya, Sandomirsko-Silésie, Basse Silésie,  puis les opérations  de Berlin et de Prague.

Lors des combats  pour la prise de Berlin, Nicolas Bagratovitch est arrivé jusqu’aux Portes de Brandebourg puis a participé à la libération de Prague et vécu la Grande Victoire.

Toute la douleur et la joie de la Victoire sont visibles sur les rares photos du front. Les larmes de la Victoire – c’est à la fois la joie et la grandeur des soldats libérateurs, des soldats victorieux !!!

Après la guerre, Nicolas Bagratovitch a exercé les fonctions de responsable dans différents domaines de l’économie : ingénieur électricien en chef dans d’importantes usines puis à la direction des chemins de fer. Et dans le même temps, il a transmis son savoir et sa grande expérience dans les écoles, aux jeunes générations.

Le destin de son épouse, Anne Alexandrovna, n’est pas moins intéressant. Elle est née le 25 janvier 1923 à Ordjonikidze dans une famille nombreuse de réfugiés arméniens  de la ville de Kars, en Arménie Occidentale, ayant fui le génocide perpétré par les turcs en 1915 . Elle a trouvé refuge et une seconde patrie sur les terres du Kouban et du Don.

Ayant brillamment terminé le lycée, elle rêvait d’entrer à l’université mais la guerre venait de commencer… Comme de nombreux lycéens et jeunes,  elle s’inscrit comme volontaire pour le front – ses quatre frères étaient déjà incorporés. A l’insu de ses parents, Anne Alexandrovna suit des cours de radio. Au début ses parents, retraités, ont réussi à l’arrêter, à l’enlever dans le sens propre du terme de l’échelon qui se dirigeait vers le front.

C’est avec beaucoup de difficulté que les parents ont réussi à persuader celle, qui la veille était encore écolière, à rester. Elle a finalement accepté car il fallait s’occuper des parents déjà âgés, élever les tous jeunes enfants de ses frères qui étaient sur le front de la Grande Guerre Patriotique. Elle est allée travailler dans les chemins de fer.

Mais à partir de la fin 1942, Anne Alexandrovna intègre les bataillons de l’armée active, sert dans la 135e division d’exploitation militaire, unité spéciale des troupes du rail opérant sur le front du Caucase Nord.

Pour ses exploits, Anne Alexandrovna est gratifiée de 11 médailles dont celle « Pour la défense du Caucase ».

Notons au passage que le chagrin n’a pas épargné cette famille nombreuse.

Seul le frère Vassili, chef-officier du renseignement, a survécu, celui qui avait entre autre participé à la guerre soviéto-finnoise. L’un des frères, Aram, cadre politique, est tombé lors du siège de Malgobek ; un autre – Hayk, a péri sous Stalingrad.

Après la guerre, Anne Alexandrovna est entrée à l’Université. Elle a passé toute sa vie professionnelle en qualité d’ingénieur en chef à la direction des chemins de fer.

Enfin, nous voulons ajouter que Nicolas Bagratovitch et Anne Alexandrovna ont élevé de merveilleux enfants. En ce moment leur fils, Armen Ter-Sarkisyan, vit et travaille à Moscou en qualité de président de la direction du Centre interrégional des réformes en droit « Dictature de la législation », participe activement à la vie de la diaspora arménienne  sur le territoire de la Russie et de par le monde. A Paris, en janvier 2014, il a été élu Président de l’Assemblée Nationale (Parlement), 1ère session, d’Arménie Occidentale. En septembre 2018, lors de sa 2e session, les 101 députés du Parlement d’Arménie Occidentale ont réélu Armen Ter-Sarkisyan à la tête du Parlement. Leur petit-fils Vaagn a terminé à Moscou l’Ecole-laboratoire spéciale №351 avec la médaille d’or, puis a étudié  dans la section des relations internationales de la Faculté d’histoire de l’Université d’Etat Lomonossov de Moscou, y a soutenu son doctorat avec succès et dirige, à l’heure actuelle, une société d’innovations.

Voilà l’histoire d’une famille ordinaire, de notre peuple, qui peut servir d’exemple  à suivre et d’objet de fierté pour nos compatriotes arméniens et tous les peuples de notre vaste Patrie et qui fait notre fierté.

Vardan Abrahamyan, correspondant de guerre, sous-officier de réserve

Saïda Ohanyan, journaliste ethnographe,

Rostov-sur-le-Don, Erévan

9 mai 2020

Photographies: archives familiales du combattant.

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Traduit en français par Béatrice Nazarian