VIDEO – Gaz au parfum de sang. Bakou, en marge du tandem Israël-Turquie

L’assassin. Il est très malheureux. Il tue par peur, par haine, parce qu’il n’a pas d’autre issue. Le mal n’apporte rien de bon. Jamais. Et il n’ en apportera pas.

Les meneurs de guerre au Karabagh jouent, pour l’instant, à l’unisson. Israël et la Turquie qui, il n’y a pas si longtemps, se crachaient dessus accusant l’autre de génocides passés et actuels, jouent à un nouveau génocide. A chacun sa répartition. Ces deux bénéficiaires se sont habilement agglomérés au cor douloureux. Mettre entre les mains d’Alyev-junior dont le trône est branlant des armes et le pousser à massacrer son propre peuple, ennemi  désigné, pour accomplir ses desseins – c’est rusé. Non, c’est tout simplement foncièrement  malheureux.

Le commerce des armes

Cette année, la Turquie a augmenté de six fois le volume d’armement qu’elle a livré à l’Azerbaïdjan. Pour les premiers neuf mois de cette année, Bakou a fait provision de matériel de défense et d’aviation pour 123 millions de dollars, et, juste un mois avant le début de cette guerre planifiée, il a acquis des drones et autre matériel de guerre pour  77  millions de dollars. En septembre, l’Azerbaïdjan s’est placé en première position des pays qui ont acheté des drones à la Turquie. Ces drones sont construits par la compagnie dirigée par Seltchouk Baïraktar. Ce même Baïraktar qui, en 2016, a épousé la fille d’Erdogan. Voilà ce que ça donne: plus les drones turcs tombent sur Artsakh, plus c’est rentable pour Erdogan. Marchandise liquide.

Mais ce n’est pas la Turquie, c’est Israël – le fournisseur d’armenent  numéro 1 de Bakou. La Turquie est en quatrième position après la Russie et la Biélorussie. Israël fournit jusqu’à 60% de l’armement que Bakou achète à l’étranger. Les achats montent à plusieurs milliards. Et plus les combats sont intenses en Artsakh, plus est active la liaison aérienne entre Israël et l’Azerbaïdjan. C’est qu’il s’agit d’une marchandise liquide et, en temps de guerre, le bénéfice est multiplié. Pourquoi laisser le produit traîner en magasin? Le 12 octobre, le Tribunal suprême d’Israêl a rejeté la requête concernant l’interdiction de vente d’armement à l’Azerbaïdjan – on n’a pas trouvé de preuves – citation: «de son utilisation pour crimes de guerre contre l’Arménie». L’ordre de regarder dans le blanc des yeux n’a pas été donné – le pétrole en tant que monnaie d’échange  est vitalement indispensable. Le business n’est en rien personnel.

Gaz. Pétrole. Touran

Et vlan! La petite vieille Europe est à nouveau prise en otage. Aujourd’hui c’est les réfugiés, demain ce sera le gaz. On le sait  – c’est pour ça qu’on se tait. Le but de la Turquie – c’est le contrôle total des ressources énergétiques de la mer Caspienne, de l’Asie Centrale, qui s’étendent jusqu’à l’Europe. En premier,  l’avantage matériel sous forme d’importantes réserves de gaz qui se trouvent  dans le sous-sol, puis le monopole de son utilisation et, enfin, sa transformation en centre régional de livraison du gaz. Mais pour y arriver, pourquoi tuer des arméniens? A cause d’une crainte permanente. Vous vous souvenez des paroles du président de l’Arménie Armen Sarkissyan? Citation: «Ils parlent de sécuriser les pipes-line internationaux qui traversent l’Azerbaïdjan et la Géorgie vers la Turquie. C’est un nonsens. Si les arméniens auraient eu une quelconque intention  de tirer dessus, ils l’auraient fait il y a vingt ans, interdisant à l’Azerbaïdjan de gagner des milliards d’euro, d’acheter avec de l’armement et de tuer des arméniens». Ils n’ont pas peur des géorgiens mais pour eux l’Artsakh arménien n’est pas un obstacle non plus  mais la peur a de trop grands yeux.

Elle  sait bien ce qui s’est passé, par haine, il y a un peu plus de cent ans. Pour que plus personne ne l’agace en lui montrant du doigt l’histoire. Il n’y a plus d’êtres humains donc il n’y a plus de problèmes. Il faut aussi donner du bois à Alyev – les mises sont trop élevées.

Et en cas d’impasse. L’économie nationale s’écroule et enterrera sous ses ruines tous les rêves d’un Grand Touran. Je suis un lion ou je ne suis pas un lion? Le territoire de l’Artsakh a une importance stratégique et est pratique pour des campagnes victorieuses  menées plus profondément en Asie. On ne va quand même pas percer un corridor à travers l’Iran? Ou à travers la Géorgie? A propos, Israël  a une visée – il faut retourner en  Afrique? Mais ça, c’est pour après. Voilà donc le deuxième et le troisième avantage pour la Turquie. Et qu’en est-il d’Israël?

L’Iran

Les mauvaises langues disent que le Mossad s’est installé en Azerbaïdjan d’où il surveille l’Iran et que beaucoup d’opérations héroïques de cet organe israëlien – «organe du renseignement et des opérations spéciales contre l’Iran» n’auraient pas pu être menées sans le partenariat de l’Azerbaïdjan. D’autres sources disent que l’Azerbaïdjan a

équipé un aérodrome  pour aider Israël en cas d’attaque de ce dernier contre l’Iran. Circule également une information que les archives du nucléaire iranien, volées il y a deux ans et demi à Téhéran par les agents du Mossad, ont transité par l’Azerbaïdjan. Un véritable roman policier sur la théorie du cycle des complots comme du cycle – qui vivra verra.

Bakou, en marge du tandem Israël-Turquie

Il n’y a pas de véritables victoires sur le front sur presque un mois de massacres sanglants et de milliards perdus. C’est un bilan très vexant pour Alyev qui se trouve encore dans l’euphorie de ces victoires vacillantes; une question se pose – vont-ils conserver ces villages? Mais la Turquie a besoin d’une victoire complète – peu importe le prix à en payer, pas seulement aux arméniens mais à l’Azerbaïdjan lui-même dont la perte massive de ses militaires, comme nous le pensons, ne doit pas faire rire bien qu’il refuse de faire ramasser  les cadavres de ses morts. La guerre en Artsakh est observée, comme un combat de gladiateurs, par beaucoup. Erdogan et Netanhyaou jouent à leurs jeux sous l’oeil attentif de Moscou, des USA et de Téhéran.

 

Celui qui a enduré un Génocide  se réchauffe les mains au feu du génocide. L’Azerbaïdjan est hors tandem. Son peuple et le peuple arménien perdent leurs fils à cause d’une haine torse. Et la solution – il en existe et a toujours existé. Mais le train est parti – on a trop mis du sien avec cette haine provoquée envers les arméniens. C’est la face du racisme.

24.10.2020

NOYAN TAPAN

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Traduit en français par Béatrice Nazarian